Fanny Berrido

Fanny Berrido

© CD92/Stéphanie GUTIERREZ-ORTEGA

Référente de parcours

Référente de parcours au service des solidarités territoriales de Clichy-Levallois, Fanny Berrido se livre sur les différentes facettes de son métier.

Pouvez-vous nous décrire votre parcours ?


Cela fait bientôt quinze ans que je travaille auprès des mineurs placés sous la responsabilité du Département au titre de l’Aide sociale à l’enfance. Je suis passée sur les bancs de la fac de psychologie, de droit, et j’ai même fait un crochet par celle d’histoire, avant une expérience professionnelle décisive au sein de structures accueillant des personnes en situation de handicap. Une fois mon diplôme d’éducateur spécialisé en poche, j’ai travaillé auprès d’adolescents placés dans des foyers d’accueil d’urgence. J’ai rejoint le Département en 2007. J’ai voulu me décentrer de l’urgence pour travailler aussi avec les parents. Le placement est une solution de dernier recours, parfois la seule qui permette de protéger un enfant. Mais pendant cette période, il faut aller travailler les motifs à l’origine de cette mesure auprès de la famille et tenter de mettre en place un processus de changement, tout en construisant un projet éducatif pour l’enfant qui soit en adéquation avec son intérêt et ses besoins. Si un placement se prolonge, nous devons garantir à l’enfant un projet et un statut qui lui permette de se construire.


Comment appréhendez-vous ce rôle ?
 

En 2021, plus de 3 380 enfants ont été confiés au Département. Les professionnels de la protection de l’enfance accompagnent les enfants confiés à chaque étape de leur parcours. Ils sont un lien indispensable pour assurer leur sécurité et veiller à ce que leurs droits sont garantis, dans une approche globale de leur besoins (santé, éducation, inclusion…). Nous coordonnons les acteurs qui interviennent auprès d’eux, recevons les familles, sollicitons les magistrats en cas de difficultés. C’est cette notion de continuité qui me guide. Chaque famille est unique et porteuse d’une histoire. C’est parfois un travail d’archéologue que de chercher à identifier les racines du dysfonctionnement. On touche au plus intime, et la relation de confiance met du temps à s’installer. Je passe aussi beaucoup de temps avec les enfants, c’est indispensable pour incarner une figure sécurisante auprès d’eux.


Une expérience qui vous a marquée ?
 

En 2021, je me suis mobilisée, aux côtés d’autres professionnels du Département, pour l’organisation de colloques portant sur la prévention du risque prostitutionnel des mineurs. C’est un phénomène que nous avons vu croître. Nous traversons toutes ces problématiques sociales. Nos métiers n’ont pas de routine et nous imposent, régulièrement, de sortir la tête du guidon et de réinterroger nos pratiques. Malgré un quotidien que je qualifierais de plutôt « intense », je m’impose une veille sur les recherches cliniques, les évolutions législatives, et je suis toujours à l’affût des dernières expérimentations, en particulier au sein des établissements éducatifs. Les lois évoluent, les paradigmes cliniques aussi, on ne peut pas faire l’économie de ces explorations pour offrir la meilleure prise en charge possible aux familles.
 

Quelle place occupe le collectif dans vos pratiques professionnelles ?
 

Je défends un travail de réseau, la notion d’équipe est capitale pour moi. Nous avons de nombreux atouts à combiner pour créer des accompagnements sur-mesure pour les familles. De l’éducatrice pour jeune enfant en PMI, à l’infirmière en CPEF… On se parle beaucoup, et cette approche croisée me nourrit. Les décisions que l’on prend influencent durablement la vie d’un enfant et notre accompagnement soulève toujours des affects. C’est parfois difficile de prendre de la distance avec ce que l’on traverse. Avoir une équipe solide, c’est primordial, parce que l’on a besoin de déposer ces émotions. Il y a des temps d’équipe pour ça, et beaucoup d’échanges informels. Ils permettent de ne pas se laisser envahir mais aussi de partager les regards sur nos pratiques, car one travaille pas avec des certitudes. 
 

Si vous aviez un mot à dire à de futurs candidats ?
 

J’aimerais que l’on retienne que ce métier est merveilleux. Je l’exerce avec conviction, même s’il peut être jalonné d’obstacles. Nous éprouvons parfois du désarroi face à la difficulté de rassembler l’ensemble des acteurs autour d’une situation, à faire émerger une réponse commune. On voudrait que ça aille vite. Pendant ce temps, l’enfant continue à grandir, et du temps, on en manque. Mais je tiens à conclure sur une note d’espoir, car la plus grande des satisfactions, c’est quand « ça marche ». Ce que j’entends par là ? Il a mille réponses. Lorsqu’on parvient à restaurer des relations familiales et que la mesure n’a plus lieu d’être. Lorsqu’un processus d’adoption aboutit... Lorsque les enfants devenus adultes sont indépendants et construisent leurs vies. Lorsqu’ils reviennent des années plus tard nous donner des nouvelles… Lorsque des parents nous remercient après des mois, voire des années éprouvantes. Bref, lorsqu’ils n’ont plus besoin de nous…